18.

L’ennui

 

 

J’ai passé le reste de la journée, à une exception près, dans le silence total.

Il a été rompu par l’arrivée de Jeb, plusieurs heures plus tard, qui nous apportait à manger pour tous les deux. Lorsqu’il a posé le plateau au bord de mon trou, il m’a lancé un sourire d’un air désolé.

— Merci, ai-je murmuré.

— Pas de quoi.

J’ai entendu Jared grogner, irrité par notre petit échange.

Cela a été le seul son émis par Jared. Je savais qu’il était là, mais il n’y avait aucun signe de sa présence, pas même le bruit de sa respiration.

La journée a duré une éternité – des heures d’ennui et d’inconfort. J’ai essayé toutes les positions, mais toutes m’étaient douloureuses. J’avais les reins en compote.

Melanie et moi avons beaucoup pensé à Jamie. Nous lui avions fait du mal en venant ici, nous lui en faisions encore maintenant. Une promesse valait-elle ce prix ?

J’ai perdu la notion du temps. Ce pouvait être le soir, ou l’aube, je n’en avais aucune idée. Melanie et moi avions épuisé tous les sujets de discussion. On a passé en revue nos souvenirs communs, oisivement, comme on zappe sur les chaînes d’une télévision, sans rien regarder. J’ai somnolé mais je n’ai pas pu dormir profondément tant j’avais mal partout.

Quand Jeb est enfin revenu, je lui aurais sauté au cou de joie. Il a passé la tête dans l’ouverture avec un grand sourire.

— Une petite promenade ?

J’ai hoché la tête.

— Je vais le faire ! a grogné Jared. Donne-moi le fusil.

J’ai hésité, accroupie à l’entrée de mon trou, jusqu’à ce que Jeb me fasse signe de sortir.

— Allez, viens…

Je me suis extirpée de ma geôle, toute courbaturée. Jeb m’a offert sa main. Jared a poussé un grognement de dégoût et a détourné la tête. Il tenait l’arme serrée, ses jointures toutes pâles sur la crosse. Je n’aimais pas ça. Je préférais quand c’était Jeb qui avait le fusil entre les mains.

Jared s’est montré beaucoup moins attentionné que Jeb. Il s’est éloigné à grands pas dans le tunnel sans chercher à m’attendre.

J’avais du mal à le suivre. Il ne faisait pas de bruit et marchait vite. Je devais progresser une main devant le visage, l’autre le long du mur, en faisant mon possible pour ne pas me heurter à la roche. À deux reprises, je suis tombée. Il n’a rien fait pour m’aider, mais il a attendu que je me relève pour reprendre sa marche. À un moment, alors que je pressais le pas dans une section linéaire d’un tunnel, je me suis trop rapprochée de lui et ma main a touché son dos, tâté la courbe de ses épaules avant que je ne m’aperçoive que ce n’était pas une paroi. Il a fait un bond en avant pour échapper à mon contact, en poussant un sifflement agacé.

— Désolée, ai-je murmuré en sentant mes joues s’empourprer dans les ténèbres.

Il n’a pas répondu mais a accéléré l’allure pour me rendre la tâche plus difficile encore.

Finalement, au moment où je ne m’y attendais pas, il y a eu une lumière devant moi. Avait-il emprunté un chemin différent ? Ce n’était pas la vive clarté de la grande salle. C’était une lueur tamisée, couleur argent. Mais la fissure que nous avons dû franchir me paraissait identique… Ce n’est qu’une fois arrivée dans la vaste caverne que j’ai compris la raison de ce nouvel éclairage.

C’était la nuit ; la lumière qui tombait du plafond rappelait un clair de lune ; j’ai profité de cette pénombre pour examiner la voûte, dans l’espoir de percer le secret de cette illumination. Très haut au-dessus de moi, une centaine de petites lunes diffusaient leur clarté sur le sol. Les lunes semblaient réparties de façon aléatoire, à des distances différentes. J’ai secoué la tête, incrédule. Bien que je ne fusse pas aveuglée, je ne comprenais toujours pas ce système d’éclairage.

— Avance ! a lancé Jared avec humeur, quelques mètres devant moi.

J’ai tressailli et lui ai emboîté le pas. Je n’aurais pas dû me laisser distraire. Cela l’agaçait de devoir m’adresser la parole.

Comme je m’y attendais, Jared ne m’a pas donné de lampe de poche quand nous sommes arrivés dans la salle des deux rivières. La pièce était faiblement éclairée ; seulement une vingtaine de lunes miniatures y brillaient, moins encore que dans la grande salle. Jared s’est immobilisé sur le seuil et a levé les yeux au plafond d’un air agacé pendant que je m’aventurais avec précaution dans la petite grotte abritant le bassin. Si je trébuchais et tombais dans la rivière souterraine, Jared y verrait un coup de pouce du destin.

Non, il serait triste, a rectifié Melanie alors que je contournais la baignoire d’eau noire en rasant la paroi.

Cela m’étonnerait. Cela lui rappellera son chagrin de t’avoir perdue la première fois, mais il sera heureux de me voir, moi, disparaître.

Parce qu’il ne te connaît pas, a murmuré Melanie avant de se retirer, comme si elle était épuisée.

Je me suis figée de surprise. Melanie venait-elle de me faire un compliment ?

— Avance ! a aboyé Jared depuis l’autre salle.

J’ai obéi et ai progressé aussi vite que les ténèbres et ma peur me le permettaient.

À notre retour, Jeb nous attendait à côté de la lampe bleue ; à ses pieds se trouvaient quatre paquets : deux de forme cylindrique, deux parallélépipédiques. Je ne les avais pas remarqués auparavant. Peut-être était-il parti les chercher pendant notre absence…

— Qui passe la nuit ici ce soir, toi ou moi ? a demandé Jeb d’un ton détaché.

Jared a regardé les paquets aux pieds de Jeb.

— Moi, a-t-il répondu avec brusquerie. Et je n’ai besoin que d’une paillasse ! (Jeb a soulevé ses sourcils broussailleux.) Elle n’est pas des nôtres. Et tu as dit que c’était à moi de décider.

— Ce n’est pas un animal non plus, mon garçon. Et tu ne traiterais pas un chien comme ça.

Jared n’a pas répondu. J’ai entendu ses dents grincer.

— Jamais je n’aurais cru que tu pouvais être cruel, a dit doucement Jeb. (Mais il a ramassé l’un des cylindres, a passé la sangle sur son épaule et a récupéré l’objet rectangulaire – un oreiller.)

— Désolé, fillette, a-t-il articulé en me tapotant l’épaule.

— Arrête ça, Jeb ! a grommelé Jared.

Jeb a haussé les épaules et s’est éloigné. Je suis vite rentrée dans mon trou, pour me cacher tout au fond, roulée en boule dans le noir, en espérant être devenue invisible.

Au lieu de s’installer en silence et hors de ma vue, Jared a déroulé son matelas juste devant ma cellule. Il a tapoté son oreiller à plusieurs reprises pour lui donner du volume. Il s’est allongé et a croisé les bras sur sa poitrine. C’était la portion de son corps que je pouvais distinguer par l’ouverture – ses bras croisés, et une partie de son abdomen.

Sa peau avait ce hâle sombre qui hantait mes rêves depuis les six derniers mois. C’était étrange d’avoir ce morceau de rêve en vrai, à un mètre de moi. Déconcertant.

— N’espère pas te faire la belle. (Sa voix était plus douce, au bord du sommeil.) Si tu essaies… (Il a bâillé.)… je te tue.

Je n’ai rien répondu. Cet avertissement avait quelque chose d’insultant. Pourquoi essaierais-je de m’enfuir ? Pour aller où ? Pour me jeter dans les bras des barbares qui voulaient me faire la peau, qui attendaient tous que je fasse quelque chose d’aussi stupide ? Ou, à supposer que je leur échappe, pour me perdre dans le désert qui ne manquerait pas cette fois de me rôtir sur place ? Quelles intentions absurdes Jared me prêtait-il ? Pensait-il que je pouvais mettre en péril leur petit monde ? Me croyait-il donc si puissante ? Ne voyait-il pas à quel point j’étais faible et vulnérable ?

Jared s’est endormi vite, parce qu’il a commencé à avoir des spasmes nerveux, comme dans le souvenir de Melanie. Quand il était embêté, il avait le sommeil agité. J’ai regardé ses mains se crisper nerveusement. Rêvait-il qu’il m’étranglait ?

 

 

Les jours ont passé – six ou sept peut-être, j’ai rapidement perdu le fil. Jared se dressait comme un mur de silence entre le monde extérieur et moi. J’étais coupée de tout. Il n’y avait d’autres sons que ceux de ma respiration et de mes propres mouvements ; il n’y avait rien à voir sinon ma grotte, le cercle de lumière bleue, le va-et-vient des plateaux-repas, avec leurs rations toujours identiques, et les images, fugitives, éparses, de Jared passant dans l’ouverture. Il n’y avait pas de contact, sinon celui des cailloux pointus meurtrissant ma peau ; pas de saveur sinon l’amertume de l’eau, le pain dur, la soupe claire, les racines au goût de champignon, encore et encore, telle une litanie monotone.

C’était un mélange improbable : la peur, prégnante ; l’inconfort, douloureux ; et l’ennui, absolu. Sur les trois, l’ennui était le plus insupportable. Ma prison était une chambre de privations sensorielles.

Allions-nous devenir folles, Melanie et moi ?

On entend toutes les deux une voix dans notre tête, a-t-elle précisé. Ce n’est pas bon signe !

On va finir par ne plus savoir parler, m’inquiétais-je. Cela fait combien de temps que personne ne nous a adressé la parole ?

Il y a quatre jours, tu as remercié Jeb pour nous avoir apporté à manger et il a dit : « Pas de quoi ! » Enfin, quand je dis quatre jours, je n’en sais trop rien. Cela fait quatre longs sommeils, ça j’en suis sûre. J’ai entendu son soupir agacé. Arrête de te ronger les ongles ! Il m’a fallu des années pour me débarrasser de cette sale habitude.

Mais ces ongles longs m’agaçaient. Prendre ou ne pas prendre de mauvaises habitudes, c’est le cadet de mes soucis aujourd’hui.

Jared ne laissait plus Jeb nous apporter nos repas. Quelqu’un déposait le plateau au bout du tunnel et Jared allait le récupérer. C’était toujours la même chose : pain, soupe, légumes, deux fois par jour. Parfois, il y avait un extra pour Jared, de la nourriture sous emballage ; je reconnaissais les marques : Red Vines, Snickers, Pop-Tart. Je n’osais imaginer comment les humains avaient mis main basse sur ces confiseries…

Il était évident que Jared ne partagerait pas avec moi, mais je me demandais s’il ne cherchait pas à me faire bisquer… Mes seules distractions, c’était de l’entendre manger ces douceurs ; parce qu’il le faisait avec ostentation, comme il avait tapoté son oreiller le premier soir.

Un jour, Jared avait ouvert un paquet de Cheetos avec la même ostentation ; l’odeur du fromage avait empli ma cellule… délicieuse, irrésistible. Il en avait mangé un seul, lentement, en me faisant entendre chaque craquement sous ses dents.

J’ai entendu mon estomac gargouiller et ça m’a fait rire. Il y avait si longtemps que je n’avais pas ri. Quand était-ce pour la dernière fois ? Mon passage d’hilarité morbide dans le désert ne comptait pas. Et avant, à San Diego, les moments drôles avaient été bien rares…

Sans savoir pourquoi, je trouvais la situation grotesque. Mon estomac qui se pâmait pour de vulgaires gâteaux apéritifs ! J’en riais de plus belle. Étaient-ce les prémices de la démence ?

Je ne sais si ma réaction l’a offensé, toujours est-il qu’il s’est levé et a disparu de ma vue. Après un long moment, je l’ai entendu grignoter de nouveaux ses Cheetos, mais plus loin. J’ai passé la tête par l’ouverture et je l’ai vu dans l’ombre au bout du tunnel, me tournant le dos. Je suis retournée au fond de mon trou, de crainte qu’il me voie. À partir de ce jour-là, il est resté le plus possible au bout du boyau. La nuit, seulement, il venait s’installer devant ma geôle.

Deux fois par jour – ou plutôt, deux fois par nuit, car il choisissait toujours des heures où l’on ne risquait pas de croiser quelqu’un – il m’emmenait dans la salle des rivières ; c’était un grand moment, malgré la peur, car je pouvais enfin m’extraire de mon caveau de torture. Il m’était chaque fois plus pénible de retourner dans mon trou.

Pendant cette semaine, nous avons eu trois visites, toujours au cours de la nuit.

La première fois, c’était Kyle.

Jared s’est levé d’un bond à son approche et le bruit m’a réveillée.

— Sors d’ici ! a-t-il articulé en levant le fusil.

— Je viens juste jeter un coup d’œil. (Sa voix était lointaine, mais puissante et haineuse ; ce n’était pas son frère Ian.) Un jour, tu ne seras pas là, Jared. Un jour, tu dormiras trop profondément.

Pour toute réponse, Jared a armé le fusil.

J’ai entendu le rire de Kyle se perdre en écho.

Les deux autres visites, je ne sais pas qui est venu. Kyle, peut-être, Ian, ou un autre. C’est le sursaut de Jared qui m’a réveillée. Les deux fois, il s’est dressé sur ses jambes et a pointé l’arme sur l’intrus. Il n’y a eu aucune parole échangée. Celui qui venait « jeter un coup d’œil » ne s’est pas donné la peine de faire la conversation. Une fois l’inconnu parti, Jared s’est rendormi rapidement. Moi, il m’a fallu plus longtemps.

La quatrième visite a apporté du nouveau.

Je n’étais pas tout à fait endormie lorsque Jared s’est dressé sur ses genoux d’un mouvement vif. Il s’est levé avec son arme dans les mains et un juron à la bouche.

— Du calme ! a murmuré une voix au loin. Je viens en ami.

— Tu ne m’embobineras pas, a grommelé Jared.

— Je veux juste parler. (La voix s’est approchée.) Pendant que tu es coincé ici, tu as raté des discussions importantes… et ton absence commence à se faire sentir.

— C’est sûr !

— C’est bon, pose cette arme. Si je comptais me battre avec toi, on serait venus à quatre cette fois.

Il y a eu un silence, puis Jared a parlé de nouveau, avec une sorte d’ironie dans la voix :

— Comment va ton frère ces jours-ci ?

Jared semblait poser cette question par malice. Il s’amusait à taquiner son visiteur. Il s’est rassis, dos au mur, à côté de mon trou, l’air détendu, mais prêt à faire feu.

Mon cou s’est fait douloureux, comme s’il prenait conscience que les mains qui l’avaient serré étaient toutes proches.

— Il peste toujours contre toi pour lui avoir réduit le nez en bouillie, a répondu Ian. Mais bon, il en a vu d’autres ! Je lui ai dit que tu étais désolé.

— C’est faux.

— Je sais. Jamais personne n’est désolé de casser la gueule à Kyle.

Les deux hommes ont échangé un petit rire ; il y avait une sorte de camaraderie complice entre les deux, ce qui était pour le moins surprenant, puisque l’un pointait une arme à feu sur l’autre. Les liens qui unissaient les gens dans cette communauté devaient être très solides. Plus solides que ceux du sang.

Ian s’est assis sur la paillasse à côté de Jared. Je distinguais sa silhouette par l’ouverture, forme noire dans le halo bleu. Son nez était parfait, droit et fin, un nez de sculpture classique. Ce nez intact était-il le signe que ses congénères trouvaient Ian plus sympathique que son frère ? Ou simplement que le cadet savait mieux esquiver les coups que l’aîné ?

— À l’évidence, tu n’es pas venu me demander des excuses pour Kyle. Alors qu’est-ce que tu veux, Ian ?

— Jeb t’a mis au courant ?

— De quoi ?

— Ils ont abandonné les recherches. Tous. Y compris les Traqueurs.

Jared n’a fait aucun commentaire, mais je l’ai senti se raidir dans l’instant.

— On les surveille depuis le début. À aucun moment, ils n’ont paru très motivés. Les recherches n’ont jamais dépassé le périmètre immédiat de la voiture abandonnée ; ces derniers jours, il était évident qu’ils cherchaient davantage un cadavre qu’un survivant. Il y a deux nuits, la chance nous a souri : le groupe de recherche a laissé des ordures sur le camp et une bande de coyotes a fait un raid. L’un des mille-pattes est rentré tard et est tombé sur les animaux en plein festin. Les coyotes l’ont attaqué et l’ont traîné sur une bonne centaine de mètres avant que le reste du groupe, alerté par les cris, vienne à sa rescousse. Les Traqueurs étaient armés, bien sûr. Ils ont dispersé facilement les coyotes et la victime n’est pas grièvement blessée, mais cet incident a semblé les convaincre de la fin probable de notre invitée ici présente.

Comment parvenaient-ils à espionner les Traqueurs ? Comment pouvaient-ils être si bien informés ? Je me sentais soudain très vulnérable. Je n’aimais pas les images qui défilaient dans ma tête – des humains invisibles, des fantômes surveillant les âmes qu’ils honnissaient. Cette pensée m’a donné la chair de poule.

— Bref, ils ont pris leurs cliques et leurs claques et sont partis. Les Traqueurs ont abandonné les recherches. Les volontaires sont rentrés chez eux. Plus personne n’est sur la trace du parasite. (Le visage en ombre chinoise s’est tourné vers moi. Je me suis tassée au fond du trou pour me rendre invisible.) Je suppose qu’ils l’ont déclarée officiellement morte, si tant est qu’ils comptent leurs morts, comme nous autres. Jeb boit du petit lait : « Je vous l’avais bien dit ! » n’arrête-t-il pas de répéter à qui veut l’entendre.

Jared a marmonné quelque chose, l’air agacé ; j’ai juste discerné le prénom « Jeb ». Puis il a pris une profonde inspiration et a lâché :

— D’accord. C’est donc la fin.

— Cela y ressemble. (Ian a hésité puis a ajouté :) Sauf si… mais c’est sans doute sans importance.

Jared s’est de nouveau raidi ; il n’aimait guère jouer aux devinettes.

— Vas-y.

— Personne, hormis Kyle, n’y a fait très attention, mais tu le connais…

Jared a acquiescé d’un grognement.

— Comme tu as le nez pour ce genre de choses, a repris Ian, je voulais avoir ton opinion. C’est pour ça que j’ai pénétré dans cette zone interdite au péril de ma vie ! (Après cette raillerie, sa voix est redevenue sérieuse.) Tu sais, il s’est passé un truc bizarre chez les Traqueurs… C’était l’un des leurs puisqu’il avait un Glock…

Il m’a fallu une seconde pour reconnaître ce mot. Il ne faisait pas partie du vocabulaire courant de Melanie. Quand j’ai compris qu’il s’agissait d’un pistolet, le ton vibrant et envieux de Ian m’a donné la nausée.

— Kyle a été le premier à remarquer son comportement bizarre. Les autres Traqueurs s’en fichaient ; à l’évidence, ce mille-pattes n’avait pas un rôle décisionnaire. Mais il n’arrêtait pas de la ramener, d’y aller de ses conseils, et personne ne l’écoutait. J’aurais bien aimé savoir ce qu’il leur disait…

J’ai eu de nouveau la chair de poule.

— Bref… Lorsque le groupe a décidé d’arrêter les recherches, a poursuivi Ian, le mille-pattes a vu tout rouge. Tu sais comment sont ces parasites d’ordinaire : toujours aimables, toujours mesurés… C’était vraiment étrange. Ils ont été à deux doigts de se disputer. Enfin, une dispute à sens unique, parce que les autres n’ont rien répondu, mais le mille-pattes hystérique, lui, était vraiment en colère. Les Traqueurs ont ignoré ses vitupérations et ils sont tous partis.

— Et le mille-pattes énervé ?

— Il est monté dans une voiture et a pris la direction de Phoenix. Puis il est revenu vers Tucson. Et il est reparti vers l’ouest.

— Il cherche encore.

— Ou alors il est perdu. Il s’est arrêté dans cette boutique au pied de Picacho Peak. Il a parlé au parasite qui bosse là-bas, alors qu’il a déjà été interrogé.

— Je vois, a grogné Jared. (Cette fois, il était vraiment intéressé.)

— Puis il est parti à l’ascension du mont – ce stupide mille-pattes en tailleur noir ! Il a dû rôtir vivant, habillé comme ça.

Un spasme m’a traversée, me plaquant plus fort encore contre la paroi. Mes mains se sont portées à mon visage dans un geste de protection. J’ai entendu l’écho d’un sifflement résonner dans ma petite alcôve. Lorsque le silence est revenu, j’ai compris que c’était moi qui avais fait ce bruit.

— Qu’est-ce que c’est ? a demandé Ian.

J’ai écarté les doigts et j’ai vu les visages des deux hommes penchés dans l’ouverture. Ian était en ombre chinoise, mais une partie de la face de Jared était éclairée ; ses traits étaient durs comme de la pierre.

Je voulais rester immobile, invisible, mais je ne pouvais réprimer mes tremblements.

Jared s’est redressé et est revenu avec la lampe à la main.

— Regarde ses yeux, a soufflé Ian. Il est terrorisé, ton mille-pattes.

Je voyais à présent leurs expressions, mais je ne pouvais détacher mon regard de Jared. Il me fixait avec un questionnement implacable. Il cherchait à savoir ce qui avait déclenché chez moi un tel effroi.

Mon corps ne voulait pas s’arrêter de trembler !

Elle n’abandonnera donc jamais ! a gémi Melanie.

Jamais. Jamais, ai-je reconnu avec le même accablement.

Mon dégoût pour la Traqueuse s’était définitivement mué en peur. Mon estomac s’est contracté. Pourquoi ne voulait-elle pas me croire morte comme les autres ? Même dans le trépas, cette Walkyrie me pourchasserait encore !

— Qui est ce Traqueur en tailleur noir ? a aboyé Jared.

Mes lèvres tremblaient, mais je ne répondais rien. Le silence, ma meilleure défense.

— Je sais que tu peux parler ! Tu parles à Jeb, à Jamie. Alors je veux une réponse !

Il s’est faufilé dans l’ouverture, surpris par son exiguïté. Le plafond bas le forçait à se tenir à genoux, et cela n’arrangeait pas son humeur. Il aurait préféré me dominer de sa hauteur.

J’étais acculée ; déjà pelotonnée au fin fond de mon trou. Il y avait tout juste la place pour une personne dans ma geôle. Je sentais son souffle sur ma peau.

— Maintenant, parle ! a-t-il crié.

Les ames vagabondes
titlepage.xhtml
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_000.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_001.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_002.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_003.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_004.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_005.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_006.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_007.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_008.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_009.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_010.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_011.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_012.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_013.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_014.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_015.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_016.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_017.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_018.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_019.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_020.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_021.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_022.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_023.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_024.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_025.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_026.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_027.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_028.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_029.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_030.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_031.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_032.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_033.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_034.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_035.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_036.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_037.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_038.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_039.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_040.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_041.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_042.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_043.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_044.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_045.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_046.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_047.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_048.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_049.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_050.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_051.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_052.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_053.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_054.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_055.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_056.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_057.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_058.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_059.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_060.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_061.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_062.htm
Meyer,Stephenie-Les ames vagabondes(The Host)(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_063.htm